Un clin d'oeil...... Et un OVNI......
Un clin d'oeil aux années 1980, où la musique électronique a connu une certaine heure de gloire, notamment tirée en France par son porte-parole désigné et vite devenu internationalement célèbre : Jean-Michel Jarre.
Et un OVNI : « Zoolook »... L'album le plus singulier du compositeur... Celui qui ne ressemble vraiment à rien... Logé là, au beau milieu de sa discographie pléthorique et à succès (Oxygène, Equinoxe, Les Chants Magnétiques, Rendez-Vous, Chronologie...).
Un recueil complètement atypique, complètement original, complètement bizarroïde... Et, sur ce sursaut génial, un artiste littéralement en état de grâce...
« Zoolook » est inventif... « Zoolook » est osé... Et « Zoolook » détonne...
Il est basé en grande partie sur un immense travail des voix humaines. Ces dernières sont samplées, mixées, découpées, assemblées, travaillées, torturées, jusqu'à donner un résultat magnifique et extrêmement intelligent. Les compositions bouillonnent de détails, de créations et de rythmes. Le tout est arrangé dans une orfèvrerie expérimentale atteignant un niveau sans commune mesure avec le reste des propositions de Jarre (et pas seulement de Jarre...).
Je ne prétends pas non plus que ce disque est parfait (non !), ni qu'il n'a pas vieilli. Mais il résiste beaucoup, beaucoup mieux aux affres du temps que ses autres congénères, pour lesquels l'écoute est devenue pour moi compliquée aujourd'hui... Alors que « Zoolook », lui, reste ! (Il n'en restera qu'un !).
Et dans cet album survivant, s'il ne fallait, en plus, garder qu'un seul morceau, ce serait son ouverture "Ethnicolor"... La piste la plus aboutie, celle qui restera définitivement dans l'histoire...
Si, néanmoins, vous essayez de la faire découvrir à quelqu'un, soyez sûr que vous gagnerez à tous les coups : vous ferez fuir tout le monde...
Car la première écoute est forcément dérangeante... On est tout de suite frappé par les voix recombinées et déformées... Des voix déroutantes, à la dimension ethnique évidente, censées produire de la musique, mais qui sont plus perturbantes qu'autre chose... Pour parfaire le tout, l'atmosphère de départ est volontairement étrange et anxiogène... Des gémissements envahissent l'espace sonore... Les plaintes nous assaillent...
Sauf qu'à force, on perçoit tout le talent de Jarre. On assimile ces voix en tant que composants musicaux élémentaires. On finit par les ressentir et les intégrer complètement.
Le deuxième passage d'"Ethnicolor", un peu moins tourmenté, semble vouloir l'arrêter... Mais il va en fait se charger de lancer le grand final...
Car tout est désormais en place pour une dernière partie magistrale. L'ingénieuse construction nous emmène vers des percussions qui nous explosent à la figure. Et c'est là qu'on est empoigné par la puissance de cette piste. Le rythme, devenu implacable, continue néanmoins à se paver de tous ces détails changeants qui créent toute la richesse du morceau.
Les respirations haletantes marquent le début de l'embardée définitive, surfant sur plusieurs nappes, escortée par des coups de boutoir qui se regroupent pour puncher le tout. Cette envolée grandiose et éperdue transpire la force et la magie qui font l'unicité de cet opus. Un résultat énorme qui nous laisse complètement sonné... Knock Out !
"Diva" fonctionne sur le même schéma. C'est bien aussi... Mais... Enfin, bon, vous l'aurez compris, n'est pas "Ethnicolor" qui veut....
Et puis déboule "Zoolookologie", le single de l'album, celui que les gens ont probablement déjà entendu quelque part, souvent en version "remake" et donc sans l'éclat de l'interprétation originale, malheureusement...
Il débute sur un puissant et joyeux bordel, avant de basculer vers son air plus commercial.
Malgré tout, Jarre réussit à proposer des instants suffisamment variés et entraînants pour que le morceau continue à fonctionner, encore aujourd'hui.
La deuxième meilleure piste reste quand même "Zoolook". Là aussi, fourmillant de voix qui finissent de manière très surprenante par générer une mélodie guidant le morceau.
Une élaboration musicale très habile... Une profusion de sons nous bombardant pour donner dynamisme et ardeur... Et un final bien amené, où la prolifération sonore délirante achève le tout dans une séduisante énergie...
Dernier pied de nez avec "Blah Blah Café". On est sur les mêmes fondamentaux, mais ici, en plus, on pioche... Et pas qu'un peu... Sur un rythme entêtant... qui lui aussi découragera bien des gens à la première écoute.
Alors que, finalement, Jarre propose quelque chose de marrant, prototypique et fantasque. Encore un passage tout à fait insolite, à la déformation poussée mais attirante. Le dernier assemblage piquant et excentrique d'un disque qui tend à se terminer...
"Ethnicolor II" clôture le CD sur un moment plus contemplatif, si l'on peut dire... Un rappel de la construction de l'ensemble et une fin qui permet de se relâcher un peu...
Pour en revenir à l'oeuvre de Jean-Michel Jarre... J'ai pour l'occasion réécouté ses différents disques, qui avaient d'ailleurs tous très bien fonctionnés à leurs sorties (sur moi aussi !)... Ben... Aujourd'hui, j'ai quand même beaucoup de mal avec tout ça... Oui, on y trouve de bonnes idées, mais l'ensemble a vraiment fortement vieilli... Et par ailleurs, mon oreille a probablement également fortement évolué...
Ne reste alors que « Zoolook », l'unique, le survivant, l'héritage... L'expérimentation poussée à l'extrême, qui a dû rebuter pas mal de monde (encore aujourd'hui, la réaction des gens qui découvrent l'album est franchement amusante à regarder !), mais qui a en fait donné le seul opus définitivement passé à la postérité... Et lui, aucun doute, il file encore le frisson... Notamment sur "Ethnicolor", un passage qui mérite toujours autant d'être envoyé à fond sur les enceintes...