LABRADFORD

4,5 étoilesMi Media Naranja
4,5 étoilesE Luxo so

LABRADFORD
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E Luxo So

4,5 étoiles
LABRADFORD - E Luxo So

Ambient Post Rock

Chronique publiée en Octobre 2025

Depuis sa création au début des années 1990, le groupe Labradford propose une approche de la musique tout à fait particulière, voire même tout à fait atypique (enfin, au moins pour moi !), dans un genre qu'on pourrait qualifier d'"Ambient Post Rock" : un genre souvent fortement déroutant lors d'une première écoute, car très très minimaliste...
La formation se compose d'un bassiste, d'un guitariste et d'un claviériste, et ce trio n'utilise quasiment aucune percussion dans ses productions... Il évolue dans un registre très aérien, très subtil et surtout très paisible, engendrant un résultat extrêmement épuré qui évolue par toutes petites touches successives pendant de longs mouvements propices à la contemplation... C'est en fait comme si on se retrouvait en face d'artistes peignant leur toile musicale impressionniste, exposant continuellement leur vision en douce rupture tout en développant des moments d'une étonnante qualité...

Je considère que tous les albums de Labradford valent le détour et je vous en recommande chaudement l'exploration attentive. Je souligne malgré tout qu'à titre personnel, mes favoris sont « Mi Media Naranja » et « E Luxo So », qui atteignent un niveau vraiment remarquable dans leur globalité et qui représentent finalement à eux deux le symbole de la création de très grande classe à partir de... ... quasiment rien !


Il est à mon avis incontestable que « Mi Media Naranja » demeure le meilleur opus de la discographie de Labradford : non seulement il ne comporte aucun défaut, mais en plus chacun de ses titres affiche individuellement une épatante réussite... Pourtant, de manière un peu étrange, mon album de cœur reste « E Luxo So », même après toutes ces années... D'une part car c'est via ce disque que j'ai découvert le groupe, et d'autre part parce qu'il contient ma piste préférée, la n°2... Or c'est vraiment cette piste n°2 qui a pour moi agi comme une révélation et qui m'a précipité dans leur univers si singulier...

En tout cas si vous n'avez jamais écouté Labradford, et que vous débutez par « E Luxo So », ne vous arrêtez pas au morceau n°1 car le meilleur arrive donc derrière...
Alors... Pour ce n°1 : laissez-vous faire... Réservez-vous un moment de calme absolu, rien que pour vous, dans ce qui constituera un peu votre rite de passage, et vous pourrez alors souverainement laisser la suite se déployer... Car cette introduction, en forme de méditation énigmatique, va vous faire intégralement rentrer dans ce monde si particulier de l'Ambient... avec ses accords qui se répètent à l'infini et ces éléments furtifs ajoutés de-ci de-là par petites touches discrètes...

Et puis, donc, ensuite... Vient cette piste n°2... Celle qui a tout déclenché pour moi, dès la première écoute... La plus emblématique du groupe, et le point de départ idéal pour quiconque voudrait s'y initier...
En fait, on se rend ici vite compte qu'on assiste à la construction géniale d'un immense morceau... Oui, immense... sauf que son ossature ne semble paradoxalement pas reposer sur grand-chose... Quoiqu'il en soit, le piano est évidemment décisif, car il matérialise à lui tout seul cette magie capable de complètement fasciner l'auditeur. Les notes, choisies avec une précision d'orfèvre, glissent de manière progressive et impeccable pour rendre l'enchainement mémorable, au point qu'il finit par se faufiler dans les profondeurs mêmes de notre conscience...
Si la composition demeure discrète, délicate et raffinée, elle trouve son aboutissement définitif dans un assemblage d'une redoutable élégance : une véritable œuvre de joaillerie, cousue de fils d'or, aboutissant à un bijou d'expression minimaliste...

Le passage n°3 s'invite dans la continuité, comme un hommage lointain à Erik Satie, et Labradford nous révèle alors quel merveilleux atout peut représenter le Temps...
Dans une atmosphère plus triste et plus mélancolique, les accords de piano parviennent à maturité après un long printemps... Les nappes de cordes apportent une touche de majesté bien vue, dans ce qui se transforme en une séance de contemplation auditive artistique... Un voyage de longue haleine au cours duquel on se doit de profiter de chaque instant... avec une forme de sagesse qui se dégage, comme pour transmettre un savoir musical séculaire emprunt d'une modernité intemporelle...

Mais le groupe ne s'arrête pas là... Le titre n°4, à son tour d'une rare intelligence, choisit d'évoluer dans le doute et le mystère... un mystère que tenteront d'éclairer les sonorités subtilement distillées tout le long du sentier parcouru... Une fois de plus, avec peu d'éléments, Labradford crée une épure dont les ondes poétiques prouvent incontestablement que la subtilité fertile vaut infiniment mieux que la débauche d'énergie sans âme...

Petit coup de mou sur le morceau n°5 qui méritait probablement mieux... même s'il s'intègre bien dans le recueil, notamment lorsque ses accords de clavier s'avancent à pas de velours... Et conclusion finale sur le n°6, en épilogue autoporteur : on ressent comme une évidence que le disque est sur le point de refermer ses chakras. Une fin attendrissante et apaisée pour une aventure qui s'achève sur une série de variations légères et feutrées...
La partition impressionniste parfait ses derniers points pour laisser son témoignage dans l'Histoire, et se matérialise par une mélodie vous incitant à l'introspection...
Le tout revêt un parfum tellement charmeur et tellement différent de tout ce qu'on peut traditionnellement croiser, que je ne peux que vous inviter à vous laisser vous-mêmes tenter par cette expérience hors norme... Frissons garantis...

TRACK LIST

  • 01. Recorded and Mixed at Sound of Music, Richmond, Va.
  • 02. With John Morand and Assisted by Brian Hoffa.
  • 03. Dulcimers Played by Peter Neff. Strings Played
  • 04. By Chris Johnston, Craig Markva, Jamie Evans,
  • 05. And Jonathan Morken. Photo Provided By
  • 06. Leta O'Steen. Design Assistance by John Piper.