Troisième album en seulement deux ans de carrière pour Led Zeppelin ! Et une attente énorme, après des débuts particulièrement prolifiques... d'autant que les deux premiers opus s'étaient immédiatement inscrits, dès leur naissance, dans la légende de la Musique...
...Mais... Voilà... « Led Zeppelin III » va de son côté proposer quelque chose de Très différent... C'est vraiment l'album à part du Dirigeable : si une moitié du disque est tout fait en accord avec les classiques du groupe, l'autre moitié est exclusivement occupée par des chansons Folk, en fort décalage par rapport aux prémices de Hard Rock dont la bande s'était fait une spécialité jusqu'ici.
Lors de sa sortie à l'époque (et encore aujourd'hui), cette grosse proportion de Folk avait constitué une vraie surprise et avait déclenché des avis fortement divisés... Et... Autant dire que mon avis personnel l'est aussi, divisé...
En tout cas, je reviens souvent sur cet album, et c'est un moment que j'apprécie à chaque fois... Mais le truc, c'est que j'aurais clairement aimé en avoir plus : du Folk made in Led Zep, ça aurait pu, ça aurait dû être génial... Alors qu'en fait, non, ça ne l'est pas tant que ça : certains passages sont très bons, et d'autres ternissent un peu le tableau...
Au final, « Led Zeppelin III » reste un disque attachant, qui ne parvient pas à complètement s'élevé au firmament... mais... qui contient quand même en bonus un passage exceptionnel sur lequel je vais me faire une joie de revenir en détail...
La double entame de l'album illustre d'entrée les deux courants musicaux qui le composent et annonce dès le début la répartition des styles : d'un côté le Rock et de l'autre le Folk.
Tout d'abord survient la dantesque "Immigrant Song", immensément célèbre, et qui est restée comme une de leurs chansons les plus facilement identifiables... Très gros riff de Page, Très grande performance de Plant (avec des paroles inspirées des Vikings), Très beau collectif pour un résultat bien concentré en porte étendard ! Le rouleau compresseur est là, c'est l'évidence... Le groupe surfe sur l'impulsion qui l'avait propulsé au Top l'année précédente...
"Friends" arrive dans la foulée... Et là, gros changement ! On ne s'en rend compte qu'en connaissant la fin du disque, mais ce morceau amorce en fait toutes les pistes Folk à venir. Led Zeppelin propose ici un moment acoustique attrayant en forme de cérémonie annonciatrice, à l'ambiance chamanique et aux sonorités d'inspiration multiculturelles, bouddhistes, arabes et psychédéliques... Le tout déployant une fort belle association avec les cordes...
Enchainons alors directement sur la deuxième partie de cet opus pour rester sur le côté Folk... un côté qui constitue un drôle de coup de théâtre lors de la première écoute, et qui remplissait toute la seconde face du vinyle à l'époque : un choix audacieux qui, encore de nos jours, représente une vraie singularité dans leur discographie.
"Gallows Pole" est une adaptation réarrangée et réinterprétée d'un titre populaire traditionnel. Très belle communion du groupe, avec son rythme en accélération continue... On se dit que ça s'annonce sous les meilleurs hospices, d'autant que "Tangerine" enchaine... et là : Banco !
"Tangerine" est une super chanson : très fluide, avec une forme de simplicité instantanée tout en étant à la fois très travaillée... Le Folk, ici, on s'en imprègne complètement : le cercle d'amis, la fraternité ou encore les échanges chaleureux sur une plage... On se retrouve tout de suite avec l'oreille flattée par un air délicat et entrainant, comme une caresse au charme évident...
"That's The Way" décrit quant à elle une amitié interdite à cause de préjugés familiaux, un moment d'intimité d'ailleurs souvent apprécié par le public en Live. ...Alors... à moi aussi, elle me plaît, cette chanson... Mais c'est là que je commence à tiquer. C'est plaisant, oui, mais concrètement, j'aurais aimé que ce soit plus que plaisant...
Suit alors "Bron-Y-Aur Stomp"... Et rebelotte, en pire. C'est pas moche... mais personnellement j'en attends plus, de Led Zeppelin. On parle quand même d'un des plus grands groupes de l'histoire, alors voilà, venant d'eux, j'ai pas envie de me retrouver avec une chansonnette de récréation...
Enfin, "Hats Off to (Roy) Harper" termine avec ses slides de guitare et ses incantations... Bon, avec le temps, parfois ça passe bien et ça me fait sourire... Mais, l'autre option est de zapper sans regret particulier, notamment si l'auditoire n'est pas réceptif...
Non, décidément, ce triplé de conclusion d'album... Ça m'attriste de le dire, mais il faut bien se rendre à l'évidence et reconnaître qu'il présente un côté assez ennuyeux...
Alors, revenons désormais au début de ce disque qui a encore heureusement bien des trésors à révéler !
Que dire de "Celebration Day" et "Out of the Tiles" ? Ben... que... Là, ça Claque !
De bons gros titres inspirés, où le groupe fait étalage de son talent en envoyant de l'énergie, de la fougue, de la hargne et de l'électricité classieuse qui déroule son mordant fiévreux... avec Plant qui en plus allume tout par-dessus !
On est en 1970, et les morceaux sont impeccables... Vraiment, Respect ! Non seulement c'est d'enfer, mais en plus ça va illuminer toute une horde de musiciens à venir...
Et... Je ne peux que terminer cet album par sa pièce maîtresse, "Since I've Been Loving You"... Une de mes pistes préférées du Zeppelin (avec "Babe I'm Gonna Leave You"), et une de mes pistes préférées, tout court...
Ce morceau est un chef d'œuvre, ni plus ni moins. À chaque écoute, c'est le même émerveillement : c'est l'exemple même de ce que la musique peut produire de plus grandiose...
Une intro d'une délicatesse à frémir, avec un charme qui opère instantanément et qui va continuer à croitre pendant 7 minutes dont on voudrait qu'elles durent pour toujours... Et un développement proposant un crescendo d'émotions dont on ne parvient littéralement jamais à s'extraire...
Le travail collectif, pour intensifier continuellement la tension, est ici juste phénoménal...
En milieu de morceau, Page lâche un solo somptueux qui projette sa classe et sa sensibilité... Et... ce n'est pas fini ! Bonham, à ton tour, navigue librement et apporte via ses percussions étourdissantes et millimétriquement distribuées une dimension à se damner, tout en déflagration et à la fois tout en subtilité... Et Plant... Plant qui relance sans arrêt la machine, avec ses incantations qui finissent par nous posséder...
Le final est époustouflant de passion, jusqu'à l'ivresse complète... À la limite de la rupture et en même temps d'une impressionnante pertinence sans faille... On en arrive à tomber dans une dépendance totalement addictive, stupéfiante et fabuleuse... L'illustration parfaite de ce que le génie est capable d'engendrer, au sein d'un moment absolument exceptionnel...