...D'abord... Retour en arrière... 1991 : souvenir d'un mémorable Uppercut venant blaster la planète Musique... Difficile de résister à un titre tel que "Smells Like Team Spirit", qui en plus de sonner méchamment bien, allait ouvrir toute une nouvelle ère : celle du Grunge... (bien qu'officiellement, l'album « Ten » de Pearl Jam soit sorti légèrement avant, et que lui-même ait été précédé par quelques précurseurs... Mais bon, après, je suis loin d'être un spécialiste de ce mouvement...)
Ensuite, autant le dire tout de suite, je ne suis pas fan de Nirvana... Bien sûr que certains passages de « Nevermind » et de « In Utero » m'ont fait vibrer, comme tout le monde... Bien sûr que ces deux disques ont une place privilégiée dans l'Histoire... Mais voilà, d'une part ce n'est pas le type de musique que je vais me repasser en continu, et d'autre part certains titres sont trop bruts(aux) par rapport à mon univers... Même en ayant réessayé longtemps après...
Je comprends parfaitement que ces albums soient un must pour beaucoup, mais de mon côté je ne me les passe en entier que très rarement...
...Sauf qu'il y a dans la discographie du groupe une merveilleuse petite singularité, doublement improbable : « MTV Unplugged in New York ». Une performance Live acoustique (pas banal pour un groupe de Grunge) au format de la chaîne musicale grand public (ce qui n'a pas dû plaire à Kurt Cobain), dont Nirvana avait finalement accepté la proposition pour relancer les ventes de « In Utero »...
Pour cet Unplugged, Nirvana ne va néanmoins pas du tout faire les choses de manière classique :
- Cobain utilise une guitare acoustique branchée à un ampli, plus une pédale d'effet, permettant quelques rares incartades électriques (une super idée !)
- 6 titres sur 14 sont des reprises, des Vaselines, de David Bowie, des Meats Puppets et de Leadbelly.
- Une violoncelliste accompagne le groupe.
- Les musiciens se font rejoindre sur scène par les Meat Puppets, pour jouer leurs trois reprises.
- Et enfin... Le disque paraît pile un an après son enregistrement de novembre 1993, avec l'intégralité des chansons jouées lors du show. Dans l'intervalle, Kurt Cobain s'est suicidé... Novoselic et Grohl décide alors de diffuser l'oeuvre intégralement, sans modification.
Dès l'entame, "About a Girl", tout apparait, tout est clair : c'est une Immense Révélation... L'impossible se produit... Nirvana est en acoustique et ça rend du Feu de Dieu...
Batterie feutrée, basse présente, Cobain qui assure à la guitare et surtout au chant... C'est incroyable comme ça fonctionne bien... On ressent tout de suite une très grande prestance, avec notamment la superbe voix éraillée du chanteur qui laisse apparaître une pointe d'agonie, de douleur et de perdition....
La suite n'est qu'une éclatante confirmation. "Come As You Are" enchaine et c'est une certitude : il est en train de se passer un moment magique sur ce plateau. Cobain y pousse sa voix, qui resplendit dans une étonnante dualité de fragilité et de force expressive...
"Jesus Doesn't Want Me For A Sunbeam" est la première reprise du disque (des Vaselines)... nouvelle démonstration avec Krist Novoselic à l'accordéon (Sympa pour un bassiste de Grunge), et Grohl à la basse !
"The Man Who Sold The World" (de Bowie) est très fidèle à l'original, avec ses paroles au sens obscur et son titre évocateur... Cette piste, universellement connue, est aussi une des plus grandes contributrices au rayonnement qu'a eu ce Live... Et je pense qu'à ce moment-là, même si c'était évident depuis le début, on n'a plus qu'à capituler et à ouvrir bien grand ses oreilles pour se délecter de cet incroyable concert, sorti un peu de nulle part mais transpirant la sensibilité...
Le milieu du disque baisse un peu en intensité, en gardant néanmoins un évident magnétisme... On y trouve deux morceaux dont les originaux étaient fortement marqués Grunge : "On a Plain" et "Pennyroyal Tea", ce dernier permettant d'assurer la promotion de « In Utero », rejoints par "Dumb" et plus tard "All Apologies" en avant dernier morceau du concert... un "All Apologies" qui permet d'ailleurs à l'album de renouer avec l'excellence : on y retrouve tout ce qui fait le charme bien concentré du Show.
Petit détour par les trois titres des Meat Puppets, "Plateau", "Oh Me" et "Lake of Fire", dont la qualité va en croissant, dans cet ordre... Mais bon, ce ne sont pas mes passages préférés...
Enfin, conclusion pour l'histoire... "Where Did You Sleep Last Night" (de Leadbelly) achève définitivement de tout déchirer... Superbe ambiance, superbe montée... Et cette voix époustouflante qui n'en finit pas de nous transpercer l'âme... Difficile de faire mieux... Une sorte de testament involontaire, au sein d'un disque rapidement devenu totalement mythique...
Autant je ne suis donc pas un admirateur de Nirvana en général, autant cet album est une merveille absolue... Qu'on regarde ou qu'on écoute ce concert, on ne peut qu'être saisi par l'intensité qui s'en dégage... Une bulle temporelle tout en finesse... Une émotion à fleur de peau... Comme un envoûtement chamanique resté gravé pour toujours dans la Légende...