GENESIS

5 étoilesTrespass
4,5 étoilesNursery Crime
3 étoilesFoxtrot
5 étoilesSelling England By The Pound
3,5 étoilesThe Lamb Lies Down on Broadway
4 étoilesA Trick of the Tail
3,5 étoilesWind and Wuthering
3,5 étoilesWe Can't Dance

GENESIS
-
Trespass

5 étoiles
GENESIS - Trespass

Rock Progressif

Chronique publiée en Avril 2024


Après une première expérience "Pop" au résultat mitigé (« From Genesis To Revelation ») et au sein d'une époque véritablement incroyable d'un point de vue musical, Genesis va prendre la décision radicale de se redéfinir et de se transformer en profondeur...
En effet, autour de cette année 1970, plusieurs mastodontes gravitent et incitent à tout révolutionner... Proche du futur style de Genesis, on peut bien sûr citer Pink Floyd, King Crimson ou encore Van Der Graaf Generator, mais c'est loin d'être exhaustif, car le Rock est à ce moment-là en pleine ébullition (Led Zeppelin, Jimi Hendrix, ou encore The Velvet Underground...).
Genesis va alors faire partie intégrante de cette éclosion généralisée en sortant une suite mémorable d'albums, qui commence par « Trespass » en 1970. Celui-ci contient effectivement des compositions beaucoup plus complexes et beaucoup plus élaborées que ce qu'on trouvait sur leur tout premier opus. On obtient ici un Rock Progressif de haute volée, où les schémas classiques sont fortement transgressés au profit de structures abondamment travaillées... À tel point que l'album conserve, encore aujourd'hui, une étonnante modernité...

À cette époque, le line-up de Genesis (première période) n'était pas encore définitif. On a bien Gabriel, Rutherford et Banks, mais il manque Hackett à la guitare (Philipps, membre fondateur du groupe est encore là), et Collins à la batterie.
En tout cas, line-up ou pas, « Trespass » est un chef d'oeuvre, qui mériterait largement d'être réhabilité à sa juste valeur... Alors, c'est vrai aussi que c'est un chef d'oeuvre un peu particulier, mais j'y reviendrai...

Peter Gabriel lance le disque quasiment a capella sur "Looking For Someone"... Comme il le fera également plus tard sur le deuxième magnum opus de Genesis, « Selling England By The Pound ».
Ce premier morceau est parfaitement en phase avec la suite de l'album. Il n'y a pas vraiment de couplet-refrain, mais au contraire un enchevêtrement de moments d'accalmie, d'instants de tension, et de passages en cavalcade.
La flûte traversière de Gabriel est déjà bien présente... Un instrument utilisé par certains groupes avec succès... Et qui fonctionne ici à merveille, avec une intégration aux petits oignons ! (Sur ce morceau et sur les suivants d'ailleurs !).
On croit plusieurs fois que la pression qui s'accumule va se libérer d'un coup... Mais l'astuce du morceau consiste à voguer d'une mélodie à l'autre, sans pour autant ne jamais rien lâcher...
Dans un clin d'oeil discret, on devine également presque qu'un peu de noirceur viendra s'installer en fin d'album...

Arrive alors "White Mountain"... sur fond de chevauchées rythmées par la meute des musiciens... On voyage de raid en raid, enchainant irruptions et percées... et ne pouvant se reposer que lors de rares moments d'accalmies bucoliques et champêtres...
Un morceau qui a toute sa place ici... Et pourtant, quatre lui sont nettement supérieurs... C'est dire la qualité d'ensemble de l'album... Seul "Dusk" est inférieur, mais n'a rien à voir non plus : acoustique et agréable, il permet aussi de souffler avant l'énorme conclusion "The Knife"...

Basculons sur "Visions Of Angels"... Pour lequel je vais avoir du mal à être objectif : c'est mon coup de coeur personnel sur cet album...
Un moment lumineux, d'une rare poésie communicative... avec la voix enchanteresse de Gabriel qui déclame ses sentiments entremêlés de contemplation, de spleen et d'amertume...
Une chanson rayonnante en deux grandes parties, et à la fin de chacune d'entre elles, un moment fascinant, comme en face d'une gigantesque illusion qui ne peut se dissiper... Le groupe est alors en fusion, tout en conservant la clarté des harmonies et la distinction parfaite des instruments...
Bien que le morceau soit très homogène, sa fin en est le summum... On ressent bien que ces visions se terminent... Et pourtant elles continuent à nous émerveiller... Elles ressuscitent de nombreuses fois, éclatantes, ardentes... Eblouissantes... Avant de finalement s'évaporer....
Encore une fois, c'est mon coup de coeur... Mais "Stagnation" et "The Knife", qui suivent, sont au niveau ! Je comprends aussi parfaitement les personnes qui vont les préférer, en particulier le premier, qui pour moi est en fait ex-aequo dans l'émotion qu'il procure...

"Stagnation", qui suit immédiatement "Visions Of Angels", lui ressemble un peu dans la construction... Mais... il prend plus son temps... et ce temps est mis à profit de manière extrêmement intelligente. Cela permet d'amener des passages mélodiques remarquables, avec les claviers de Banks qui turbinent à plein (on ne peut pas les manquer !)...
La composition dans son ensemble est, une fois de plus, brillante et variée... avec ses instants magiques et séduisants... On se retrouve complètement happé, tant par la musique que par les incantations de Gabriel qui nous empoignent, parfois à la limite de l'exorcisme : "To wash out the filth that is deep in my guts" ("Pour laver les ordures se trouvant au fond de mes entrailles")...
...Ou comment se relever de ce qui semble avoir été soufflé par un gigantesque cataclysme... Avec un final plus apaisé, où on semble entrevoir la lumière, sans être sûr de rien...

Ultime morceau, "The Knife" déboule dans un dernier rush terminal, histoire d'enfoncer le clou, ou plutôt le couteau, définitivement... Il cumule un Rock très appuyé, à l'agressivité très inhabituelle dans la carrière de Genesis, avec un côté très sombre, dont la noirceur contraste assez nettement avec le reste de l'album.
Dès son début mordant, la chanson suit un rythme à marche forcée, dont la hargne ne nous lâche pas et ne nous laisse plus respirer...Il faut attendre plus de 3 min avant d'avoir une première bouffée d'air frais, intégrant l'inévitable flûte traversière...
Mais on se doute bien que l'accalmie est un leurre... La déferlante reprend de plus belle, obscure, fiévreuse, funeste... Le raz-de-marée, accompagné de coups de boutoir phénoménaux (et d'un très beau solo de Philipps), nous déborde irrémédiablement et se termine par l'installation au pouvoir d'un tyran machiavélique... pour un avenir s'annonçant furieusement glauque... ("Some of you are going to die, Martyrs of course to the freedom that I shall provide")...

On peut enfin noter que la pochette avait été peinte avant l'ajout dans le disque de "The Knife", un dernier morceau qui vient profondément modifier l'atmosphère générale... Pour marquer ce changement, les membres du groupe incitent alors l'auteur de cette oeuvre à l'entailler avec un couteau bien réel, ce qu'on ne constate qu'en dépliant complètement l'illustration...

GENESIS - Trespass Full Cover


Revenons finalement sur « Trespass » en tant que chef d'oeuvre...
Le futur de Genesis, avec leur line-up légendaire (Gabriel, Rutherford, Banks, Hackett et Collins), engendrera des morceaux absolument monumentaux, indéniablement encore meilleurs que ceux qu'on trouve dans « Trespass »... Et pourtant, c'est le merveilleux phénomène de l'« album » qui se produit ici... Un album particulièrement savoureux à écouter en tant que « Tout »... Un disque singulier, formant un assemblage qui étincelle dans son ensemble : c'est la symbiose des notes dont on ne peut se lasser et sur lesquelles on revient éternellement...

TRACK LIST

  • 01. Looking for Someone
  • 02. White Mountain
  • 03. Visions of Angels
  • 04. Stagnation
  • 05. Dusk
  • 06. The Knife