« Up » arrive dans la discographie de R.E.M. à la suite d’une impressionnante série d’albums au succès planétaire ininterrompu, de « Green » à « New Adventure in Hi-Fi »... Le groupe a exploré de très nombreux styles : Pop, Folk, Rock, limite Grunge parfois sur « Monster »...
Mais « Up » est tout à fait singulier... Il est le premier disque du groupe sans son batteur de toujours, Bill Berry, qui a dû arrêter l'aventure pour raison de santé...
A la demande même de Berry, R.E.M. continue sa route... Mais à 3... Selon un Line-Up qui ne changera plus jusqu'à la fin de leur carrière musicale. Stipe déclara à l'époque : "Pour moi, Mike et Peter, en tant que R.E.M., sommes-nous encore R.E.M. ? Je pense qu'un chien à trois pattes reste un chien. Il doit juste apprendre à courir différemment".
D'après sa biographie, le groupe ressentira de grosses difficultés à répéter et composer sans son batteur, au point de se retrouver proche de la séparation. Cette amputation d'un membre va finalement donner une proposition très différente, plus électronique, avec moins de percussions et souvent une cadence de boite à rythme (forcément)...
Côté atmosphère, assez naturellement par rapport au contexte, une forme de léthargie, comme un engourdissement nostalgique teinté de spleen, s'empare d'une bonne partie des chansons....
"AirportMan" introduit le disque exactement dans ce sens et annonce le virage...
Et pourtant, il est suivi de "Lotus", la plus Rock de tout l'album, qui lance pour de bon la machine en synthétisant néanmoins assez bien les différentes ambiances qu'on trouvera par la suite. On profite d'un espèce de faux rythme au départ, d'un beau refrain et d'arrangements électro... Le tout dans ce climat Rocko-Engourdissant agrémenté d'un solo de Buck, de la charpente de Mills et d'un Stipe égal à lui-même...
Le chemin se retrouvera ensuite régulièrement parsemé de passages décidément embrumés et vaporeux. Citons par exemple "Suspicion" et son accalmie de somnolence gracieuse, "Hope" en illustration parfaite du chien à trois pattes à l'étrange beauté réarrangée, ou encore "Sad Professor" avec sa tristesse latente réveillée par de beaux sursauts électrisés...
A noter que, malgré leur côté très calme, certains morceaux demandent du volume pour s'exprimer ("Hope", "Sad Professor"....)
Au tiers de l'album, "At My Most Beautiful" est la première petite merveille, revêtue de ses habits claviéristes, dépouillée mais envoûtante... Elle montre à elle toute seule l'attractivité intacte que R.E.M. parvient à conserver, au sein d'une buée qui engendre sourire et ravissement...
"Walk Unafraid" se charge de redonner du rythme tout en faisant un clin d'oeil évident à la situation du groupe...
Quant à "Why Not Smile", la rumeur voulait qu'elle soit dédicacée à Bill Berry, ce que Michael Stipe a démenti... Reste en tout cas une chanson superbe... Une lente montée guidée par la guitare acoustique, un chant impeccable, une musicalité fine et sensible qui vient fusionner avec de grosses charges électriques... Et des paroles qui pourront faire écho à bien des personnes passant par des moments difficiles...
Seconde merveille du disque, "Daysleeper" montre que le phare R.E.M. continue à illuminer la planète de toute son inspiration... Une mélodie magnifique, un morceau étincelant... La distinction musicale dans toute son élégance...
« Up » amorce sa fin par "Diminished" et "Parakeet". Deux morceaux très doux comportant pourtant des passages très prenants... D'excellentes idées qui auraient peut-être mérité mieux, mais qui correspondent très bien à l'album...
"Falls To Clim" vient refermer cet opus de sa belle composition de brume mélancolique regroupée avec la voix de Stipe parfaitement placée.
Alors que les notes s'évaporent au bout de ce très long album, on ne peut que souligner la capacité qu'a eu R.E.M. à se réinventer et à se reconstruire. Le groupe vient de relancer l'aventure pour quatre derniers albums à venir, dont quelques futurs moments d'anthologie !
On se dit que « Up » aurait probablement gagné à être condensé pour donner quelque chose d'exceptionnel... Mais... La convalescence prend et demande du temps... Et le résultat reste très agréable à écouter, baigné de cette ambiance cotonneuse très particulière, symbole de leurs difficultés et de leur résurrection...