Sorti en 2008, « Með suð í Eyrum Við Spilum Endalaust » (« Avec un bourdonnement dans les oreilles, nous jouons inlassablement ») est le 5ème effort studio des Islandais de Sigur Rós.
Il se démarque de ses prédécesseurs par une approche souvent plus "conventionnelle" de la musique. Les chansons, de manière générale, sont plus pop, plus folk... Plus compréhensibles... Ou encore surtout, notablement moins torturées...
La guitare électrique à archet est par exemple de nombreuses fois remplacée par une 6 cordes acoustique... Et le jeu du groupe, d'habitude dans l'étrangeté aérienne, est ici plus clair et plus défini.
Et pourtant... Sigur Rós reste Sigur Rós... Comme les autres, cet album se révèle véritablement en continu et s'apprivoise sur la durée...
Bon... Quant à la pochette... Je fais rarement des commentaires sur les pochettes... C'est trop subjectif... Mais là, quand même... C'est pas génial... Franchement ? En prime, le sujet a fait l'objet d'une âpre réflexion... Après, bon, c'est une remarque en passant, chacun aura son opinion sur le sujet...
L'album se décompose nettement en deux parties. Jusqu'à "Ára Bátur", disons-le tout net, c'est resplendissant... Et d'un rare équilibre... On y reviendra en long, en large et en travers...
Par contre, les quatre derniers morceaux, qui concluent le disque, adoptent un rythme fortement en écart et très, très calme... C'est vrai que toute cette phase laisse une impression de longueur tenace, un peu comme "Le Seigneur Des Anneaux" qui n'en finit pas de se terminer...
A vrai dire, j'ai appris à l'apprécier avec le temps, cette dernière partie... Mais on ne peut pas nier que ça reste bien étalé... Dans l'ordre, "Íllgresi" s'écoute bien, elle est agréable à passer... Suivie par "Fljótavík", dans la même veine apaisée... mais alors, elle, irradiante, notamment grâce aux nappes de fond donnant un ressenti final complètement abouti. "Straumnes" est un drone reprenant les tonalités de "Fljótavík" tandis qu'"All Right" conclut pour de bon : début totalement intimiste et un soupçon d'arrangements par la suite, le tout restant 100% épuré...
Au total, 16 minutes de conclusion : même si je m'y suis habitué, je reconnais que c'est... particulier...
Alors, revenons au début... "Gobbledigook" ouvre la balade champêtre ! Elle annonce pas mal la couleur de l'album : sonorités plus franches et chant plus posé que ce à quoi nous avait habitué le groupe...
Est-ce que ce sont les gnomes de l'Islande qui jouent dans leur campagne ? Autour d'un feu de camp de fin d'après-midi ? Possible ! Tout en gardant bien sûr la dimension musicale Sigur-Rossienne !
Mais c'est avec "Inní mér syngur vitleysingur" que tout commence véritablement... La magie... Le côté festif et joyeux... Le cercle d'amis... Les résonances communicatives... Avec une deuxième partie tout simplement magnifique : une énumération sur fond sonore envoûtant, transportée par les cordes qui assistent la folle déclamation jusqu'à l'explosion...
"Góðan daginn" prend le relai, avec son acoustique magnifiée... Une communion hors du temps, le regard tourné vers les cieux... pour profiter du moment présent et souhaiter qu'il dure pour toujours...
A noter que cette chanson nécessite un système audio de qualité, reproduisant les graves très bas (32 - 35 Hz), sans quoi vous perdrez toute une dimension du morceau... Et c'est d'ailleurs également vrai avec "Ára Bátur" et "Með suð í eyrum".
Un peu plus loin, vient donc "Með suð í eyrum", titre n°6 (et aussi première partie du nom de l'album : "Avec un bourdonnement dans les oreilles", bourdonnement qui d'ailleurs apparait bien si vos enceintes le permettent)... Une jolie partition, entre piano et percussions bien dosées... Un passage contemplatif, en forme de message à envoyer vers la voute céleste...
On trouve la seconde partie du nom de cet album dans "Við spilum endalaust", titre n°4, "nous jouons inlassablement"... Où les troubadours de la modernité portent leur mélodie à bout de bras, d'instruments, de voix et de de choeurs...
Et à propos d' « inlassablement », "Festival" y renvoie aussi de son côté, sans l'ombre d'un doute... Le morceau dispose d'une construction curieuse, qui a probablement provoqué son utilisation dans le film « 127 Heures » (racontant un incroyable moment de survie).
Une première moitié complètement dépouillée, sorte d'incantation dans un moment de profonde solitude... Et une deuxième moitié de libération définitive... Avec un motif musical se répétant à l'infini, même s'il s'accorde un nécessaire instant de respiration avant de reprendre sa course... Une course qui aboutit sur un final étourdissant, entre délivrance grisante, délire fiévreux, et impensable évasion...
Enfin, un peu sur le même principe, "Ára Bátur" vient merveilleusement compléter le tout... Le chanteur, Jónsi, est d'abord seul face à son piano et seul face au monde, vers lequel il envoie son chant mélancolique qui résonne dans l'immensité...
Puis, très progressivement, la complainte s'entoure, s'emmitoufle, et finit par s'envoler... L'intensité monte avec les choeurs en prenant une dimension de cathédrale. La tension se libère dans un aboutissement collectif d'une grande pureté, avec une orchestration redoutable et pourtant tout en finesse et en élégance...
Cet album « Með suð í Eyrum Við Spilum Endalaust », avait surpris à sa sortie car on y découvrait Sigur Rós dans un style franchement inhabituel... Mais le groupe prouve, ici encore, toute l'étendue de son talent. Même dans ce registre plus folk, il semble là aussi régner en maître... Un règne pacifique, joyeux et apaisé, dont on a l'impression qu'il ne s'arrêtera pas de sitôt... Car avec ses moments plus introvertis ou ses passages de bravoure, se révèle une fois de plus sur le long terme une musique d'exception complètement intemporelle...