Forcément, il me fallait commencer ce site par cet album là. Historiquement je suis sûr que ça me fera plaisir de le retrouver en première chronique !
Pour moi, c’est un très bon candidat du fameux unique album à emmener sur l’île déserte s’il ne fallait en garder qu’un.
Et pourtant c’est tout de même un album relativement méconnu.
Sorti après le très bon « Ágætis byrjun », l’album « ( ) » est moins célèbre que son prédécesseur. Je me souviens de la première fois où j’ai entendu ses 72 minutes sans vraiment l’écouter, en cuisinant dans le barouf familial : « Hmmm... Ben... Pour le moment on va en rester là et on reviendra peut-être dessus un jour... ».
Et puis bon, une semaine après, 2eme écoute dans un contexte similairement bruyant... Rien de particulier jusqu’à ce que... « Ouh, c’est quoi ça ? ». « Ça », c’était la fin de la numéro 6, « E-Bow », qui transperçait de sa classe les cris des enfants...
Ça a suffit à suffisamment focaliser mon attention pour insister... Et progressivement, l’album s’est dévoilé, écoute après écoute...
Rapidement, ce 6eme titre « E-Bow » est devenu et resté ma référence personnelle. Les percussions qui claquent et résonnent dans le crâne, la voix qui s’envole, le ronflement de la guitare, la montée en puissance terminant en apothéose, la partition finale et son côté impressionniste où la musique se construit par petites touches subtiles alors qu’on est déjà dans la furie...
Un véritable chef d’œuvre. Un clin d’œil à Totoromoon dont j’ai découvert bien après que c’était comme moi son titre préféré de Sigur Ros !
Et deux petits conseils :
- Il fait partie de ces titres qui ne se révèlent qu’avec un volume sonore conséquent, sinon on en perd forcément les nuances et l’intérêt.
- Je vous recommande d’écouter ce titre sur un matos HiFi pouvant retranscrire les graves profonds. Ça vous fera particulièrement ressentir ce morceau qui saura vous saisir et figer dans le silence pendant l’écoute. (Vrai aussi pour la chanson n°2)
Sauf que, en plus d’« E-Bow »... L’album en entier est exceptionnel. Il faut insister un peu pour en saisir toute l’essence. Plusieurs écoutes sont indispensables, notamment vu sa complexité et sa longueur.
Et même une fois apprivoisé, c’est l’exemple même de l’album qu’on redécouvre à chaque écoute. D’une complexité rare mais aussi et surtout d’une mélodie implacable.
Quand on le connait par cœur, on se rend compte des détails et indices laissés par le groupe pour nous aiguiller sur la suite. Je ne peux m’empêcher de sourire lorsqu’arrivent ces petits bruitages ou ces petites notes qui vont engendrer par la suite une mélodie complète...
Les 4 premières chansons sont plus calmes. L’ambiance est atmosphérique, subtile, glaciale, pâlement éclairée... Et tellement bien construite... Les poils se hérissent avec la musique et avec ce qu’elle annonce...
Lorsque le disque commence, je n’ai qu’une envie : m’asseoir. M’asseoir, orienter les enceintes vers moi, monter le son, et m’abandonner...
Ainsi passent les 3 premiers morceaux. Le 4ème gagne en tonicité. Un petit clin d'oeil vers la 43eme seconde... Et on décolle. La batterie est plus présente. Les instruments forment un tout. La première partie de l’album s’arrête magnifiquement...
Puis le disque coupe, avec quelques secondes de silence.
La 2eme partie de l'album se veut plus sombre.
Le 5eme morceau est plus lourd... Il comporte une montée en puissance qui se termine par un final où la batterie frappe dur et s’associe aux autres instruments dans une atmosphère anxiogène...
Le 6eme morceau, "E-Bow", donc... Assurément un des meilleurs titres de l’histoire de la musique...
Une intro prenante, une conclusion d’une force magistrale...
Mais comment conclure un tel album? Comment faire pour lui apporter le truc en plus définitif et le rendre complètement éternel ?
Quand arrive « Popplagio » après déjà une heure d’écoute, on ne peut qu’encaisser et s’abandonner...
Un crescendo magnifique, qui part tout de même assez fort. La batterie est présente dès le début et c’est parti pour durer !
L’ambiance bascule vers 6 min 02 sec... ça commence à cogner, la guitare se met en place... On sent qu’on va se faire écraser... Le final est éblouissant... Un avertissement après 9 min, et on nous achève après 10 min pour ne plus nous lâcher. La voix accompagne les instruments pour mieux nous transpercer... Il n’y a plus de musique, de personne ou de chaine Hi-Fi dans la pièce : il ne reste qu’un ensemble tremblant en communion...
Des défauts dans cet album ? Franchement... Peu ! C’est vrai qu’on entend beaucoup « Issaaa » dans les morceaux (en fameux "vonlenska" du groupe)... C’est vrai qu’on peut se dire que quelques montées en puissance sont trop longues par rapport à leur conclusion... Mais quand même faut pas cracher sur le divin...
On trouve cet album en bonne position dans quelques listes inspirées de meilleurs albums de tous les temps ou du siècle... (A voir sur Acclaimed Music par exemple)
Il est également intéressant de lire les commentaires sur internet : chacun en a sa propre chanson préférée... Beaucoup préfèrent la n°1, ou la n°3, la n°4, la n°6, la n°7 ou la n°8... Je pense que ça reflète bien ce qu’est l’album : un concentré intemporel de classe et de pureté.