« Magic » paraît en 2007, en pleine période de retour en force de Bruce Springsteen... Et cette nouvelle phase, à nouveau débordante de relief, est en grande partie due à sa nouvelle collaboration avec son groupe de toujours : le E-Street Band.
Il faut bien dire qu'avec une équipe pareille, il y a fondamentalement de quoi sortir chef d'oeuvre sur chef d'oeuvre... Ce dont ils ne se sont d'ailleurs pas privés 5 ans plus tôt avec un fantastique et phénixien « The Rising », encore dans toutes les mémoires (un album consécutif aux attentats du 11 septembre 2001)...
De son côté, « Magic » dénonce certains travers de la société Américaine, mais pas seulement...
Ça commence très fort, avec "Radio Nowhere"... Un titre rageur typique du Boss... Mordant, ardent, efficace... On pense alors qu'on est reparti pour une tournée de titres brûlants à la sauce du Patron...
Sauf que... Le reste de l'album sonne beaucoup moins traditionnel du bonhomme et de sa bande... Moins Rock Pur et Dur... Une grande partie des morceaux est en fait nettement plus mélodique... Avec des propositions volontairement plus harmonieuses, plus léchées, sans en devenir consensuelles mais sans l'agressivité qu'on attendrait naturellement...
Et pourtant, ça reste une réussite totale, même avec ce côté plus suave. Beaucoup ont été surpris par cette ambiance à la sortie de l'album, parfois au point de ne pas l'apprécier... Mais je trouve pour ma part que c'est un régal ! (dont le niveau ne sera d'ailleurs plus égalé dans ce style-là, malgré quelques tentatives comme par exemple avec « Working On A Dream » ).
Il faut aussi souligner que le disque n'a pas, ou vraiment très peu, de points faibles.
Pour ma part, j'apprécie moins, mais j'apprécie malgré tout, "Livin' In The Future" et "Terry's Song"...
Je trouve la première un peu téléphonée, tout en reconnaissant volontiers qu'elle passe quand même bien (en prime, c'est une des rares à être marquée plus Rock).
Et la seconde est à remettre dans son contexte : c'est en réalité un bel hommage rendu à un assistant de Springsteen, suite à son décès. Elle a été ajoutée juste avant la sortie de l'album, pour finalement le clôturer.
Pour en revenir au contenu, on découvre véritablement ce que va révéler le disque avec sa deuxième piste : "You'll Be Comin' Down". Un beau mouvement, qui fait simplement plaisir, à la fois louvoyant et sous énergie permanente (Merci le groupe !).
Et des passages de cette veine, on en aura à foison... Citons "Your Own Worst Ennemy" et "I'll Work For Your Love", cette dernière insufflant en prime une belle exaltation communicative...
A vrai dire l'enchainement des pistes, d'une qualité toujours bluffante, est impressionnant, ni plus ni moins... Le tout avec un groupe qui montre comme d'habitude l'incroyable étendue de son collectif de rêve...
"Gypsy Biker" enfonce le clou, sur le thème d'un Biker revenant chez lui, certes, mais décédé lors d'une guerre inutile... Springsteen montre ici de nouveau sa capacité à aborder ce genre de sujet grave et profond avec justesse, à l'aide de paroles et d'images habilement choisies...
Au milieu de l'album, on est surpris par "Girls In Their Summer Clothes", qui pour le coup est inhabituellement légère sur le fond... Mais alors par contre, musicalement, le Boss fait étalage de son étonnante inspiration... Entre sa voix puissante mais maitrisée, et les musicos en symbiose qui magnifient le tout, le rendu fait un bien fou, non ?... Et dans ce E-Street Band en forme olympique, comme souvent, j'ai une pensée admirative pour ces notes de piano distillées exactement là où il faut, au moment où il faut...
Après un détour par l'intimiste et prenant "Magic", le Boss embraye sur son dernier passage Rock : "Last to Die", qui vient redonner du punch à l'envi à l'aide de sa superbe envolée... Avant de passer par "Long Walk Home" qui pré-conclut le côté charmeur du disque : car, oui, la bande de potes remet le couvert, encore et encore...
Ça saute à la figure : Springsteen est en pleine euphorie créative... Et dans le même temps, le E-Street Band atteint des sommets... (On retrouve notamment Piano et Saxo par touches très très justes, au service du morceau...)
Enfin, "Devil's Arcade" aurait donc dû achever l'album... Une élégante fusion de tous les genres parcourus... La classe... Jusqu'au bout...
Oui, j'adore ce Springsteen... Des moments variés s'assemblant à merveille... Une propension singulière à faire éclater la mélodie... On se retrouve avec un disque fantastique, d'un niveau exceptionnel... J'aurais pu lui mettre 5 étoiles sans problème. Intrinsèquement il les mérite, mais je vais juste relever que par rapport à la riche carrière du chanteur, on ne tient pas tout à fait le Graal non plus... Il manquerait un chouia de détonation d'anthologie, ou alors quelque chose de vraiment génial pour définitivement le consacrer...
« Magic » a, c'est vrai, connu un succès amplement mérité à sa sortie... Mais je trouve qu'il serait également digne d'une reconnaissance bien plus large que celle qu'on lui accorde en général...