Je ne peux m’empêcher de commencer cette chronique par un clin d’œil adressé de l’autre côté de la frontière à Nico, Fanny, Leslie, Ishtiaq, Jean-Charles, Winny, Catherine, Dinan, Mitch… Et une dédicace particulière à Peb pour la découverte de ce groupe !
Originaire de Belgique, Venus se place dans un registre Rock/Pop relativement original, basé essentiellement (ou même strictement en fonction des opus) sur des instruments acoustiques : guitare, violon, contrebasse, batterie. Le son obtenu sur cet album est tout à fait singulier, spontané, brut, rugueux… parfois torturé et pourtant d’une harmonie certaine…
Sur ce premier disque, on tient un cocktail étonnamment différent du Rock traditionnel, avec un assemblage dont on sent bien qu’il fonctionne dès la première écoute… Et dont l’intérêt perdure dans le temps, en se renforçant via les auditions successives…
Assez curieusement, le permier single sorti à l’époque aura été "She's So Disco"… Un morceau assez nettement en écart par rapport aux autres compositions… Et finalement pour moi un point faible de l’album…
Bon, je ne parlerai pas non plus de catastrophe… Il apporte une facette plus lissée, qui a le mérite de varier les genres, mais de manière un peu anecdotique et peut-être trop gentillette…
Du coup, ceux qui ont apprécié ce single ont peut-être été déçus par le reste, et ceux qui n'ont pas aimé ne sont peut-être jamais rentrés dans l'album...
Et pourtant, les premiers morceaux "Ball Room", "Perfect Lover" (et plus tard la petite boule de nerfs "Royalsucker") donnent immédiatement le ton. On y trouve directement ce son caractéristique du groupe, abrupt et sec. Un début calme, dont on imagine bien qu’il sera suivi d’une partie animée… Et une suite qui claque, où on ressent la manière dont l’acoustique « unplugged » sera utilisée dans tout le disque. Une forme d’anarchie maitrisée qui fonctionne, non seulement dans ce que sortent les instruments, mais aussi dans le travail sur la voix.
"White Star Line" est la première perle de l'album. On se fait emporter… On est guidé… Sans savoir où… Mais on y va avec confiance. Le collectif est remarquable, avec des rythmes très variés pour une petite merveille d’ensemble. Une composition intelligente, profonde et grave, dans laquelle on bataille pour garder ses repères jusqu’à la perdition, avant d’être sauvé par la partition finale…
Le disque est également parsemé d’ambiances plus calmes, plus mystérieuses, où se rend compte du potentiel et de l’apport de la contrebasse. Ces moments d’apaisement seront suivis d’envolées remarquablement construites, avec un violon qui amènera une grande part de l’intensité, soit par vagues, soit par touches… Et avec des percussions sourdes, accentuant l’atmosphère obscure… On est sur une forme d’énergie noire, envahissante et en perpétuelle embuscade…
Citons "Out of Breath", "I Am The Ocean" et "Monster"… Autant d’exemples qui gardent pourtant une grande variété, garantissant un vrai plaisir renouvelé, écoute après écoute…
Un répit est accordé par moment via des passages courts et paisibles, comme "Little Lisa Racket" et "Dizzy". (Rq : je ne sais pas où a été enregistré le premier, peut-être à domicile en recherche d'authenticité vintage ou en l'absence de moyen... mais franchement, la rafale de mobylette aurait mérité de refaire une prise... A moins que ce soit étrangement voulu... En tout cas, la voilà immortalisée...)
Et c’est alors que surgit "Pop Song"… Un morceau inattendu qui détonne par sa limpidité…
Un petit torrent de printemps, éclatant et agité… Une musique en hymne à la joie de vivre, revigorant, rafraîchissant… Une construction sur une déconnexion apparente des instruments qui pourtant se réunissent pour donner naissance à un petit joyau… Un petit condensé de génie musical…
Et… Alors… "Don't Say You Need Love"… La petite douceur du mois comme dirait totoromoon…
Venus va d’ailleurs répéter dans sa carrière ces petits moments de grâce épurée, où on trouve la subtilité dans la simplicité. Une horlogerie d’orfèvre, sobre et délicate… Une fragilité qui fait du bien…
Il ne reste plus qu’à conclure… "Bass Shivering Bass", comme le laisse entendre son titre, laisse frissonner la contrebasse en la poussant aux limites de la dissonance et en l’amenant sur un final d’une habile cohérence suppliciée.
"Welcome To The Modern Dance Hall" : un album méconnu qui mérite la postérité ! Une découverte locale, presque confidentielle, faite en 2001 en Erasmus… Et qui pose la question : « Combien d’autres trésors se cachent comme ça, de par le monde ? ».
Pour Venus, c’est un début de carrière dantesque, qui va déboucher sur de nombreux moments de bravoure, avec un 2ème album plus traditionnel et un 3ème marquant un impeccable retour aux sources.
On est ici absorbé par une acoustique tout à fait particulière, tumultueuse, fiévreuse, bouillonnante… Une bouffée d’oxygène ambitieuse et maitrisée, participant à la diversification et la reconstruction du Rock Moderne…