« Mirror Ball » parait en 1995 et concrétise les idées ayant germé de la rencontre entre Neil Young et Eddie Vedder un an plus tôt, au Rock'n'Roll Hall of Fame.
L'enregistrement associe alors Young, souvent cité comme « parrain du Grunge » (entre autres nombreuses qualités !) et le groupe Pearl Jam, qui disposait déjà à l'époque d'une renommée bien établie.
Il est pourtant à noter qu'on n'entend quasiment pas Eddie Vedder et que, un comble, le groupe Pearl Jam n'est pas crédité en tant que tel sur la pochette (c'est le nom des musicos qui est retenu, pour raisons juridiques).
Cette époque de la vie du Loner est par ailleurs assez fortement électrisée : « Ragged Glory » (superbe, au passage !) avait inauguré la période, et on retrouve « Mirror Ball » logé entre le grandiose « Sleeps With Angels » (finalement dédié à Kurt Cobain à la suite de son suicide) et « Broken Arrow » (réalisé avec le Cray Horse).
Le disque s'ouvre sur "Song X"... Et on ne peut pas s'y tromper : dès les premières sonorités, le sort de l'album est jeté. On roulera du début à la fin sur un Rock Gras, mélodique et saturé.
La complicité entre tous les artistes s'est manifestement très vite installée. On ressent tout de suite que ça fonctionne, avec le chant doublé des coups de guitare de Young... et tout le reste des instruments chez Pearl Jam !
"Song X" est une belle intro, fer de lance d'autres passages très réussis, nichés un peu partout, tels que "Big Green Country", "Peace and Love", ou encore "Throw Your Hatred Down".
Le premier de la triplette, "Big Green Country" est résolument plus nerveux que "Song X". Il distille une mine de bonnes idées bien condensées, entre harmonie et distorsion... Ou quand, de la grosse décharge, émergent variations, chants et mini solos pour tirer l'ensemble vers le haut...
"Peace and Love", écrite par Eddie Vedder, apparaît moins brouillonne. A vrai dire, elle rappelle même franchement le genre de compo qu'on trouve avec le Crazy Horse. Alors, OK, c'est pas le morceau du siècle, mais quand même, qu'est-ce que c'est bon d'écouter ça... C'est un peu l'archétype de la réussite de Neil Young : du Rock, de la communion entre musiciens, des rythmes variés, des envolées électrisées, de la batterie qui martèle... Le p'tit bonheur musical au coin du disque...
Dans la foulée, on trouve "Throw Your Hatred Down", un des morceaux les plus travaillés de cet opus. L'alchimie a pris... Le pari de cette réunion est gagné, c'est clair... Ça sonne super bien, tout en restant bien épais comme il faut...
Ouais, ouais... Mais il n'y a pas que des grandes chansons non plus... on trouve pêle-mêle des moments moins marquants... Citons le rageur "Act of Love" (sur le droit à l'avortement), le louvoyant "Truth Be Known", le bourrin "Downtown", et même le fleuve "Scenery" qui conclut presque l'album...
Non, je ne suis pas un grand fan de tous ces morceaux... On ressent probablement ici que la génèse de l'album a été hyper rapide... Trop rapide ?... Reste que, personnellement, je trouve que ça lie pas mal tout le disque... Et que l'ensemble fait plaisir à écouter comme un tout, avec ses qualités et ses écarts...
Enfin, par contre, Spéciale Dédicace pour "I'm The Ocean"... Pour le coup, celle-là, elle déchire !
Le génie descendu en ligne droite du feu sacré... La petite bombe qui s'arrache de la pesanteur... La plus grosse trouvaille communicative de gars en symbiose éphémère... Le gros calibre qui transpire la classe d'une création plus recherchée !
Un moment immortel d'inventivité énergique et musicale pour propulser le reste du disque au top...
"Fallen Angel" se fera l'écho rémanent de "I'm The Ocean", en épilogue de l'album... Visiblement, ils ne s'y sont pas trompés non plus, les acolytes du jour, avec leur parrain adopté... Car, oui, ça méritait bien d'y revenir une dernière fois, sur un triomphe pareil...
Au final, « Mirror Ball » est un disque réussi, très brut et très spontané. Il aurait sûrement encore gagné en qualité si les compos n'avaient pas été faites si rapidement (pour la plupart) et si l'enregistrement en "studio live" n'avait pas été si express... Malgré tout, il plane sans problème au sein de la discographie de Neil Young (et de Pearl Jam), sous la bienveillance lointaine du Crazy Horse, entre Rock, Grunge et Saturation...