Neil YOUNG

3,5 étoilesEverybody Knows This Is Nowhere
3,5 étoilesAfter the Gold Rush
4 étoilesHarvest
3,5 étoilesZuma
4 étoilesRust Never Sleeps
3 étoilesFreedom
4,5 étoilesRagged Glory
4 étoilesHarvest Moon
5 étoilesSleeps With Angels
3 étoilesMirror Ball
3,5 étoilesLiving With War

Neil YOUNG
-
Rust Never Sleeps

4 étoiles
Neil YOUNG - Rust Never Sleeps

Rock

Chronique publiée en Décembre 2021


Rétrospectivement, 1979 constitue une des périodes charnières de Neil Young : on est tout proche de la fin d’un très très beau début de carrière intégralement fait chez Reprise Records…
Le Loner avait déjà une discographie fort solide et avait largement fait la démonstration de sa capacité à jouer sur deux registres très différents : acoustique d’un côté, et hyper électrisé de l’autre. "Rust Never Sleeps" arrive dans ce contexte, et se révèle être une forme d’aboutissement de cette dualité.
L’enregistrement est réalisé en grande partie en public (sauf "Sail Away" et "Pocahontas")… Un public qui sera pourtant volontairement gommé pour le rendu final. Ces prises de son montrent, s’il y en a encore besoin, la grande sensibilité et la grande maîtrise de ce chanteur hors norme. Le « Live » apporte effectivement une sensation marquée de proximité, avec un artiste qui semble immédiatement à nos côtés sur une bonne majorité des pistes.

La première partie de l’album (plages 1 à 5) est donc acoustique, tandis que l’autre (plages 6 à 9) sera électrique, Neil Young étant alors accompagné de son groupe légendaire, le Crazy Horse.
Cette séparation est d’autant plus évidente que la chanson "Hey Hey My My" aura même droit aux deux versions (plage 1 puis 9)… La dernière, l’ (hyper) électrique, devenant au passage un monstre de l’histoire de la musique… Un bon exemple de pourquoi on a surnommé l’artiste « Parrain du Grunge »…

La bascule entre ces deux parties se fera exactement au milieu du disque avec "Sail Away" : tout en restant acoustique, l’accompagnement par d’autres instruments prépare clairement ce qui va venir. Passage agréable et caractéristique du bonhomme, ce n’est pas non plus son plus grand moment, loin s’en faut…

La suite par contre, "Powderfinger", est tout simplement superbe. En 2014, le magasine Rolling Stone ira jusqu’à la sacrer meilleure chanson de Neil Young. Sans aller jusque-là, on ne peut que constater que le beau disque de jusqu’alors prend désormais ici une nouvelle dimension. On se fait littéralement happer par le CD… On ressent tout de suite l’apport du Crazy Horse, qui donne une profondeur immédiate au son… On est saisi par l’entente du groupe, dans une ambiance qui transpire l’amitié, l’indépendance, la liberté, l’humilité… Ils aiment ce qu’ils font et ils le font à merveille…
Voilà pour la musique… Quant aux paroles, c’est moins joyeux... Ça raconte l'histoire d'un jeune, tué par une bande en tentant de défendre la famille restée à la maison... En même temps, le côté triste de la chanson est équilibré par une écriture d'une habileté redoutable et par la musique qui vient enrober le tout…

Du côté acoustique, dans le genre superbe morceau, "Thrasher" s’impose comme une évidence. Neil Young est en solo avec sa guitare. Il livre un très beau moment… D’une élégante subtilité… D’une justesse touchante… La narration est captivante, elle aborde l’histoire rurale du début de sa vie, puis se tourne vers l’avenir avec les accrocs qui vont avec… Le message est très intime… Et la musique est fascinante…

Autre très bel exemple de la sonorité acoustique de Neil Young, "Pocahontas" traite du sujet, triste une nouvelle fois, du massacre des Indiens d’Amérique (pour la compréhension de la chanson, Marlon Brando était lui-même impliqué dans la reconnaissance des droits des Indiens)… Un air de musique poignant et un talent d’écriture évident : sans occulter la vérité, mais en trouvant les mots justes pour conter l’histoire.
On se retrouve, attentif, à écouter ce qu’il nous dit… Tous assis autour de lui… En savourant cette petite trouvaille géniale d’accords de guitare mariés à cette voix si particulière…

De l’autre côté de l’album, "Welfare Mothers" et "Sedan Delivery" ne laissent aucun doute… les Volts ont prix le pouvoir…Distorsion, puissance, crissements, espaces sonores bien remplis… Les électrons crachent leur rage sur le stade… Le Loner a décidé de finir son album sur l’énergie et le courant alternatif va lui servir de cheval (fou) de bataille… "Sedan Delivery" étant la plus réussie des deux car elle trace un chemin où la mélodie s’entrecroise astucieusement avec la fougue des ampères…

Grand album… Enorme conclusion… les siamoises "My My, Hey Hey" et "Hey Hey, My My" se répondent… La première "Out Of The Blue", la deuxième "Into The Black"… Un concept version acoustique / électrique qui sera repris plus tard avec succès dans l’album Freedom, l’instant du renouveau lors du retour chez Reprise Records, tout un symbole…
On peut citer dans l’intro de l’album la très belle phrase « It's better to burn out than to fade away » (Il vaut mieux exploser en plein vol que de s’éteindre à petits feux), reprise par Kurt Cobain dans sa lettre de suicide, ce qui a peut-être rapproché définitivement les débuts du mouvements Grunge et l’influence de Neil Young… Bien que, franchement, il vaille mieux ne pas chercher à faire des liens avec l’inexplicable…
Mais donc c’est finalement la saturée "Into The Black" qui transcende tout… Brute, distordue, rugueuse… Complètement Corrosive… et qui révèle un ensemble d’une force et d’un élan à se damner… Les solos de Young achevant de bonifier le tout… Une grosse baffe qui nous percute et nous lave de tout…

Le type de morceaux (avec bien d’autres, c’est vrai) qui va inspirer les Pixies (quel grand groupe !), Nirvana (moins fan..), et finalement un pan complet de l’histoire musicale…

Pour en revenir à "Hey Hey, My My (Into The Black)", je retiendrai bien sûr que "Rock and roll can never die"… Quelque chose que je considère comme évident… Surtout dans notre époque artificiellement formatée et électro-popisée à outrance. Les goûts et les styles de musique évoluent, c’est la logique même, je n’ai rien contre en soi… Mais je suis convaincu qu’on en reviendra finalement toujours aux fondamentaux : des amis, des rencontres, de vrais instruments, de l’énergie collective…

Neil Young est donc en train d’achever sa première période, ponctuée par d’immenses réussites… La suite chez Geffen n’aura pas le même succès alors qu’il était parti y chercher une « liberté totale »… Son retour chez Reprise s’accompagnera pour moi de ses plus grands chefs d’œuvre… Et je trouve pour ma part que ses plus beaux moments de grâce sont et seront globalement réalisés à grands coups d’électrons…
Reste que "Rust Never Sleeps" constitue décidément une habile synthèse entre acoustique et électrique… Un grand disque à écouter aussi souvent que possible…

TRACK LIST

  • 01. My My, Hey Hey (Out of the Blue)
  • 02. Thrasher
  • 03. Ride My Llama
  • 04. Pocahontas
  • 05. Sail Away
  • 06. Powderfinger
  • 07. Welfare Mothers
  • 08. Sedan Delivery
  • 09. Hey Hey, My My (Into the Black)