GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR

4,5 étoilesf#a#∞
4,5 étoilesSlow Riot for New Zero Kanada (EP)
4,5 étoilesLift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven
4,5 étoilesYanqui U.X.O.
4 étoilesAllelujah! Don't Bend! Ascend!
4,5 étoilesAsunder, Sweet and Other Distress
3 étoilesLuciferian Towers
4 étoilesG_d's Pee AT STATE'S END!
4 étoilesNo Title as of 13 February 2024 28,340 Dead

GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR
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f#a#∞

4,5 étoiles
GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR - f#a#∞

Post Rock

Chronique publiée en Octobre 2020

Mon introduction sur les albums de "Godspeed You! Black Emperor" (GYBE) sera toujours la même. Elle colle à l’ensemble de leur discographie.
Le groupe a réalisé 9 albums (8 + 1 EP) à ce jour, dont l’intégralité est présente sur ce site. Ce sont tous des grands disques. Ils sont tous marqués de la même empreinte géniale, mais ils sont néanmoins tous différents.
(Rq : Mon avis porte ici sur la musique, et pas sur le message politique)

GYBE est formé d’une petite dizaine de membres créant leur musique instrumentale comme un orchestre. Le collectif est magnifique et engendre une éclatante richesse mélodique dont sont remplies leurs compositions.

Le groupe a inventé la musique du 21ème siècle en rompant totalement avec le trop traditionnel "Couplet - Refrain" et en explorant avec force et puissance la voie ouverte auparavant par les Pink Floyd, King Crimson, Van Der Graaf Generator, Genesis, Slint etc.
Les codes sont brisés, les progressions s’enchainent avec une dimension orchestrale que les cordes viennent sublimer.
La musique prend véritablement le temps de se développer, dans une totale liberté de création, en prenant les longues minutes nécessaires à son épanouissement mais aussi à son achèvement.

Si dans leur majorité ces très longues plages sont spectaculaires et variées jusque dans leurs mouvements internes, il faut admettre qu’il peut aussi y avoir quelques longueurs. Le groupe, par ailleurs, glisse souvent des drones dans ses albums, drones qui pour moi n’apportent pas toujours quelque chose d’intéressant.
Et voilà pourquoi, en faisant un bilan sincère, et malgré mon propre effarement tant je vénère ce groupe, aucun album n’atteint véritablement les 5 étoiles en tant que "Tout". Et pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque de rendre hommage à ces monuments qui pourront changer pour toujours votre approche de la musique… (Citons "Sleep", "Moya", "09-15-00", ou encore "Piss Crowns Are Trebled")

Car cette musique de l’apocalypse est si belle qu’elle finit par vous habiter.
Les premières notes éparses… Le développement subtil… La montée en puissance aboutissant au déchainement mélodique : ces constructions vont vous retourner les tripes jusqu’à vous posséder.
L’utile complexité des morceaux associée à leur majestuosité fait qu’il est quasiment impossible de s’en lasser… Le retour à un univers musical plus traditionnel peut même paraître bien fade…
La musique est sublimée, on la transpire... Elle escalade votre âme. Les idées et les sentiments vous transpercent. La fin du monde et les ténèbres s’abattent, le désespoir teinté de lumière vous contemple. De ce lourd chaos fantomatique, une espérance peut voir le jour, une éclaircie qui va finir par s’auto-consacrer en vous explosant à la figure…

Le début du sample d’introduction de leur 1er album fait quelque part écho à tous leurs disques et je ne peux m’empêcher de le citer :


" The car's on fire, and there's no driver at the wheel
And the sewers are all muddied with a thousand lonely suicides
And a dark wind blows
The government is corrupt
And we're on so many drugs
With the radio on and the curtains drawn
We're trapped in the belly of this horrible machine
And the machine is bleeding to death "



Le sublime peut-il émerger du Chaos ?
Peut-on revenir des enfers ?
Est-il possible que l’inerte prenne vie au détour d’un morceau de Godspeed You! Black Emperor ?



f#a#∞ est le premier (en tout cas le premier trouvable dans le commerce) album de GYBE, sorti en 1997.
C’est un album comportant de nombreux passages très calmes, le tout au sein de 3 morceaux de 16 min à 29 min. Pour en saisir toute la profondeur, il faut l’avoir écouté de nombreuses fois et le connaître parfaitement.
Les pistes font penser à des scènes de films, auxquelles chacun donnera un sens différent.

Le disque débute par "The Dead Flag Blues". Une plage assez inhabituelle dans la discographie du groupe car elle ne comporte pas de déchainement sonore tout en étant assez longue. Bien sûr son intensité sera néanmoins amenée à varier significativement pendant l’écoute.
L’utilisation par GYBE de samples et de bruits de la vie de tous les jours est ici parfaitement matérialisée. Ces éléments musicaux singuliers s’intègrent à la mélodie et participent à la création d’une atmosphère particulièrement prenante.
Après le récit de fin du monde, le réveil se fait très progressivement. Il est surtout douloureux, grimaçant et aboutit au constat du désastre.
La loco va nous remettre en route malgré la complainte. La guitare annonciatrice précède le collectif instrumental qui se met doucement en marche. Les percussions mesurées marquent le retour d’une certaine harmonie et finalement la mélodie reprend le dessus : on contemple alors l’énergie finale qui se libère et qui permet de jeter un long regard éclairé sur l’horizon.
La conclusion enjouée mais fataliste et westernesque, rompt le cycle de la ruine.
Une première partie d’album très aérienne, parfois presque trop sage… Mais pourtant très réussie dans sa cohérence.

Dans la continuité, le redoutable "East Hastings" débute sur les mêmes fondamentaux. Nouveau sample, nouveau développement préliminaire autour de notes subtilement distillées.
Mais ici, l'infime perturbante initiale va passer son temps à s’enrichir et à se remplir d’éclats. Après une courte pause, le rythme reprend et s’accélère. Cordes et percussions franchissent un cap. Le crescendo des instruments qui se regroupent est magnifique jusqu’à l’apothéose en furia sonore et noyade de percussions.
Retour à la réalité où on touche le fond, perdu dans un monde aux sonorités électronisées quasiment marines, en possible étrange perdition… Un dernier passage d’ailleurs probablement un peu trop long…

L’album va s’achever par "Providence", énorme partition de 29 min (dont une partie cachée à la fin après quelques minutes de silence… Quelque chose que de nombreux groupes aiment faire mais dont je trouve l’intérêt limité).
Le premier mouvement s’amorce, lancinant, avant que les cordes ne prennent le relai. Le récit qu’on écoute n’est pas terminé, il va nous envoyer une nouvelle salve : une course en avant, éperdue et désespérée. Une tentative d’évasion finalement avortée dans un repaire mystique.
S’entame alors le parcours de l’espoir de la délivrance. La fuite est épique. Les kilomètres défilent et se transforment en épopée interminable qui débouche sur… Nulle part…
Après le silence (très long), une brève résurrection nous envoie un dernier souffle brutal et plein de rage avant l’extinction définitive.


Lorsqu’on connaît parfaitement cet album et qu’on s’est approprié ses singularités, on s’aperçoit que le temps se fige à l’écoute. Ce disque comporte des longueurs, c'est vrai, mais il est aussi magnifique et extraordinairement homogène tout en contenant des ambiances variées et distinctes. Même s'il ne comporte pas les meilleurs morceaux du groupe, je me suis déjà demandé si ce n’était finalement pas le meilleur album de Godspeed You! Black Emperor dans le sens où on ressent au plus profond de soi une narration très élaborée, cohérente et envoutante.

Le 21ème siècle est lancé.

TRACK LIST

  • 1. The Dead Flag Blues
  • 2. East Hastings
  • 3. Providence