GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR

4,5 étoilesf#a#∞
4,5 étoilesSlow Riot for New Zero Kanada (EP)
4,5 étoilesLift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven
4,5 étoilesYanqui U.X.O.
4 étoilesAllelujah! Don't Bend! Ascend!
4,5 étoilesAsunder, Sweet and Other Distress
3 étoilesLuciferian Towers
4 étoilesG_d's Pee AT STATE'S END!
4 étoilesNo Title as of 13 February 2024 28,340 Dead

GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR
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Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven

4,5 étoiles
GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR - Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven

Post Rock

Chronique publiée en Avril 2023

Mon introduction sur les albums de "Godspeed You! Black Emperor" (GYBE) sera toujours la même. Elle colle à l’ensemble de leur discographie.
Le groupe a réalisé 9 albums (8 + 1 EP) à ce jour, dont l’intégralité est présente sur ce site. Ce sont tous des grands disques. Ils sont tous marqués de la même empreinte géniale, mais ils sont néanmoins tous différents.
(Rq : Mon avis porte ici sur la musique, et pas sur le message politique)

GYBE est formé d’une petite dizaine de membres créant leur musique instrumentale comme un orchestre. Le collectif est magnifique et engendre une éclatante richesse mélodique dont sont remplies leurs compositions.

Le groupe a inventé la musique du 21ème siècle en rompant totalement avec le trop traditionnel "Couplet - Refrain" et en explorant avec force et puissance la voie ouverte auparavant par les Pink Floyd, King Crimson, Van Der Graaf Generator, Genesis, Slint etc.
Les codes sont brisés, les progressions s’enchainent avec une dimension orchestrale que les cordes viennent sublimer.
La musique prend véritablement le temps de se développer, dans une totale liberté de création, en prenant les longues minutes nécessaires à son épanouissement mais aussi à son achèvement.

Si dans leur majorité ces très longues plages sont spectaculaires et variées jusque dans leurs mouvements internes, il faut admettre qu’il peut aussi y avoir quelques longueurs. Le groupe, par ailleurs, glisse souvent des drones dans ses albums, drones qui pour moi n’apportent pas toujours quelque chose d’intéressant.
Et voilà pourquoi, en faisant un bilan sincère, et malgré mon propre effarement tant je vénère ce groupe, aucun album n’atteint véritablement les 5 étoiles en tant que "Tout". Et pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque de rendre hommage à ces monuments qui pourront changer pour toujours votre approche de la musique… (Citons "Sleep", "Moya", "09-15-00", ou encore "Piss Crowns Are Trebled")

Car cette musique de l’apocalypse est si belle qu’elle finit par vous habiter.
Les premières notes éparses… Le développement subtil… La montée en puissance aboutissant au déchainement mélodique : ces constructions vont vous retourner les tripes jusqu’à vous posséder.
L’utile complexité des morceaux associée à leur majestuosité fait qu’il est quasiment impossible de s’en lasser… Le retour à un univers musical plus traditionnel peut même paraître bien fade…
La musique est sublimée, on la transpire... Elle escalade votre âme. Les idées et les sentiments vous transpercent. La fin du monde et les ténèbres s’abattent, le désespoir teinté de lumière vous contemple. De ce lourd chaos fantomatique, une espérance peut voir le jour, une éclaircie qui va finir par s’auto-consacrer en vous explosant à la figure…

Le début du sample d’introduction de leur 1er album fait quelque part écho à tous leurs disques et je ne peux m’empêcher de le citer :


" The car's on fire, and there's no driver at the wheel
And the sewers are all muddied with a thousand lonely suicides
And a dark wind blows
The government is corrupt
And we're on so many drugs
With the radio on and the curtains drawn
We're trapped in the belly of this horrible machine
And the machine is bleeding to death "



Le sublime peut-il émerger du Chaos ?
Peut-on revenir des enfers ?
Est-il possible que l’inerte prenne vie au détour d’un morceau de Godspeed You! Black Emperor ?



« Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven » est en général considéré comme l'album majeur de Godspeed You! Black Emperor, ou en tout cas comme le plus emblématique du groupe.
Et, Oui, c'est un disque Énorme... Énorme dans tous les sens du terme : par sa durée, par la taille de ses morceaux (environ 20 min chacun), par sa beauté et par son retentissement... C'est un grand classique à découvrir pour ceux qui cherchent à écouter quelque chose de magnifique, non conventionnel et non formaté... Avec des pistes qui vous marqueront à jamais et sur lesquelles vous reviendrez forcément à l'infini...

Mais... Quasiment comme à chaque fois avec GYBE, cet opus contient lui aussi son lot de longueurs, sur de nombreux passages compliqués à apprécier, et compliqués à ne pas trouver très longs ou trop longs... Et ce d'autant plus au bout de quelques écoutes, car ils encadrent d'autres moments où le groupe est, à l'inverse, en état de grâce absolue...
Les différentes chroniques qu'on trouve sur le net font très rarement mention de ce sujet alors qu'il saute aux oreilles immédiatement. A mon avis très personnel, condenser ces passages aurait rendu l'album encore plus indiscutable... Néanmoins, j'ai globalement intégré ces moments qui se fondent désormais dans le paysage... Certains sont même devenus importants... Alors que d'autres beaucoup moins, surtout à la fin du disque...

Mais revenons-en aux fondamentaux... En commençant par "Storm"... "Storm"... Avec son crescendo mélodique inoubliable... Naît d'un subtil assemblage de notes éparses, réveillées par le violon qui distille les premières bases...
Et puis... Lors du décollage, on est percuté de plein fouet par la classe... La Grande Classe... La Très Grande Classe... Franchement, difficile de ne pas se laisser emporter par le collectif, par la maestria qui nous soulève comme une plume et nous emporte au sein d'un vol étonnamment communicatif...
Et alors ce fameux crescendo... Comme ça part fort, on a du mal à imaginer que ça va s'intensifier... Mais si ! Ça monte, ça s'accentue, ça agrège, ça fusionne... Une amplification qui n'en finit pas de se renforcer, qui n'en finit pas de s'élever... Un instant d'exception qui nous projette totalement hors du temps...
On en arrive à reprendre son souffle dans un très joli moment d'apaisement... Avant de repartir, porté par les cordes... dans une variation autour du premier thème qui donne une envergure majestueuse au morceau, lequel se déploie encore plus loin que ce qu'on aurait pu rêver...
Puis vient la tempête... Ses doutes, ses cris, sa confusion, sa violence... Son lead de percussions et ses flots qui s'abattent... Jusqu'à progressivement finir par se calmer...
Enfin, premier passage "long", le calme après la tempête... Je l'ai désormais incorporé... On peut y reprendre son souffle, à l'aide de légères touches de piano, le tout aidant à se relever de l'ouragan...

"Static" arrive en 2ème.... "Static" est, lui, encadré de drones assez indigestes au début. D'autant que le premier se cumule à l'écoute avec la fin de "Storm" pour donner un très long moment par nature difficile à apprécier...
Mais là aussi, j'ai fini par m'habituer. Et même plus que ça : j'apprécie le premier passage, car très, très annonciateur... Et moins celui de la fin, bien qu'il passe quand même.
Ce premier drone, donc, comme un navire cherchant sa voie, affirme d'emblée qu'on aura droit à un grand épisode d'angoisse continue... Il débouche sur le sample d'un individu semblant prêcher le début de l'enfer... Ce que les cordes accompagnent superbement...
La musique reprend ses droits, hésitante, fébrile... apeurée... Et l'inquiétude grandit graduellement, en proie à une souffrance qui pourrait rapidement se transformer en peur panique...
C'est alors que la complainte se libère... Avec un besoin explosif de cracher son désespoir... Comme si le monde entier était victime d'un supplice inarrêtable et inavouable...
Enfin, après avoir brièvement louvoyé autour d'innombrables dangers, on tombe manifestement sur l'horreur... Une épouvante sourde et aveugle qui se retrouve finalement noyée sous le déluge...

Vient alors la meilleure piste du disque, "Sleep"... Un des tous meilleurs morceaux de GYBE... Un chef d'oeuvre, idéal pour découvrir le groupe.
On a là un gigantesque mouvement, très varié et très cohérent à la fois, sans temps mort, et recelant quelques trouvailles mélodiques tout simplement hallucinantes...
Très belle intro, avec son sample sur Coney Island... Cordes et guitares se mêlent... L'ambiance est beaucoup moins lourde que sur "Static", mais on sent qu'une certaine peine va occuper le devant de la scène...
Et cette peine se transforme en un gémissement... qui explose... Comme un gigantesque hurlement venant déchirer tout l'espace... La fin du monde ne semble pas loin... Et pourtant, ce cri qui lacère tout cherche l'harmonie... Les instruments clament tous leur douleur, mais accouchent collectivement d'un instant sublime et émouvant à l'extrême...
L'espoir reprend lors d'une course effrénée... Et se matérialise dans une reprise engageante et rythmée pour introduire un passage d'une beauté à tomber...
Vers 18 min, et après avoir déjà été transpercé de part en part, voici finalement la mélodie simple et absolue, qui donne au morceau un élan invraisemblable.... Un moment de plénitude rare, où tout se fige... On n'entend plus rien d'autre que la musique... On ne pense plus à rien d'autre qu'à la musique... On fait corps avec le morceau... Et on assiste enfin à une fusion intégrale, jusqu'à ce que tout se termine définitivement...

L'album a une dernière piste à offrir : "Antennas to Heaven"... Dont on comprendra parfaitement que tout le monde ne parvienne pas à assimiler les longueurs, qui accaparent quand même pas loin de 13 min sur les 19 min au total...
Bref, après un passage sur le roi Dagobert et le drone approprié, une giclée électrisée soudaine lance le morceau pour de bon... Et de nouveau, une fois lancé, on s'incline... La première salve est percutante comme il faut... Mais elle est surtout suivie d'un passage au charme fou... Une magnifique conclusion pour un album magnifique... La musique se met en place à pas de loup... Elle s'installe petit à petit... Elle nous enivre... Elle nous entoure... On se sent protégé au sein de ce cocon qui délivre des sonorités de clôture d'une superbe justesse... On s'évapore progressivement, sublimer par les notes qui nous baignent de leur bienveillance réconfortante... Avec une ouverture vers l'avenir qui ne fait aucun doute...
Et puis, donc... 9 dernières minutes, pour moi clairement trop longues, pour refermer le disque...

Alors, que conclure...
Commençons par ce qui est discutable : oui, il y a de nombreuses longueurs, drones, étirements, frémissements dont on se doit également de parler... Chacun aura sa sensibilité à ce sujet... À la lecture des articles existants sur cet album, ça n'a pas l'air de déranger grand monde... Mon avis personnel est que je n'ai absolument rien contre ce genre de passages, bien au contraire : ça apporte un vrai plus, original, qui donne un supplément d'âme crucial... Mais ici, je trouve qu'il y a souvent un problème de dosage sur la durée de ces instants... Je m'y suis néanmoins habitué avec le temps...
Terminons par ce qui est évident : cet album est une merveille, un des premiers joyaux post an 2000... D'une modernité géniale, totalement en écart de ce qui existe traditionnellement... En rupture complète... D'une inspiration et d'une création mélodique magistrale... Un émerveillement à redécouvrir sans cesse... Chacune des 4 plages possède ses instants d'absolue perfection... Et "Sleep" en particulier, dans son intégralité, atteint sans conteste possible le panthéon de la création musicale...
Cet album, internationalement reconnu (534eme meilleur album de tous les temps sur Acclaimed Music), est tout simplement le pilier de la carrière de Godspeed You! Black Emperor... Une carrière dont on ne peut d'ailleurs que souligner l'incroyable richesse...

TRACK LIST

CD1

  • 1. Storm
  • 2. Static

CD2

  • 1. Sleep
  • 2. Antennas to Heaven